Dans les
exemples que nous utiliseront dans cette page pour illustrer nos
propos, ce sera toujours la méthode expérimentale
qui sera la méthode choisie pour mener les expériences :
demandons-nous pourquoi ?
C’est
ce qui distingue la psychologie sociale de la sociologie notamment
et des sciences humaines en général ; c’est
au niveau des méthodes que la distinction s’opère. Réunir
les conditions qui provoquent le phénomène social a
étudier dans le but de voir comment il
se déroule est le propre de l'approche psychosociale.
Les chercheurs essayent de maîtriser les variables,
de faire des hypothèses puis de voir
ce qui se passe. La psychologie sociale
recourt à l’expérimentation et c’est ce qui la caractérise !
Le
chercheur crée les conditions expérimentales, voit quels sont
les événements qui surviennent et les comparent à des événements
ayant lieu avec d’autres conditions expérimentales ; le
chercheur observe l’ensemble des données et cherche si ses
hypothèses se vérifient.
Dans
une bonne expérience les hypothèses ne se vérifient pas !!!
En effet, si on savait auparavant que les hypothèses allaient se
confirmer à quoi bon mener une expérience…Ce qui est intéressant
c’est l’écart entre les hypothèses et ce qui est
effectivement observé (si les résultats n’ont rien à voir
avec ce que l’on s’attendait à trouver, il convient de se
poser diverses questions : l’expériences
a-t-elle été bien menée ? Suis-je complètement à côté
de la plaque ?…Parfois les résultats peuvent être
« positivement choquant »,
c’est-à-dire révéler un fait important que l’on avait
occulté ou que l’on ne soupçonnait pas du tout et qui s’avère
positif (exemple : le cas d’une étude menée sur une
enfant débile qui révéla qu’elle ne l’était pas !).
Il faut aussi comprendre pourquoi ce qui était attendu en posant
les hypothèses ne se vérifie pas → voir les théories de Karl
Popper ; Popper
étudie comment se construisent les connaissances et fonde toute
une épistémologie dans laquelle le principe fondamental est la falsification ;
donc une hypothèse doit se construire par falsification :
c’est-à-dire qu’il faut poser un contre-exemple
de la croyance pour obtenir le cadre.
Mais il se peut
que les événements crées par l’expérience soient horribles !
Qu’il ne soit pas souhaitable qu’on les reproduise ! Cela
pose donc un sérieux problème : faut-il continuer ce genre
de recherche ? Mais en même temps c’est bien souvent à la
suite d’une expérience que l’on se rend compte de ses résultats
fâcheux, on ne pouvait les prévoir avant d’avoir réaliser
l’expérience !
(voir
notre exemple sur la colonie de vacances plus bas dans le texte)
Pour
revenir un peu sur les pages précédentes : Voyons à
quelles analyses la polarisation,
que nous avons expliqué avec l’exemple des baguettes et des pièces
de monnaies, a conduit Doise.
Elle a conduit de nombreux travaux sur ce processus, ceux-ci démontrent
que lorsque l’on crée une catégorisation
(de personnes, de choses) cela entraîne une
discrimination. Il existe donc
bien un lien entre la représentation catégorisée et les
attitudes (sur-estimation, sous-estimation). La thèse de
Doise c’est que si l’on introduit une catégorisation de la
représentation il y aura une discrimination dans les attitudes.
L’inverse peut également se produire : selon que l’on
attribue tel comportement on attribue en parallèle tel catégorie
à ce comportement (voir l’exemple qui suit).
Expérience
I.
(Niveau
I d’analyse mais évoque aussi le niveau II)
Des
étudiants doivent remplir un questionnaire qui va déterminer
leur type de jugement esthétique. Les résultats sont répartit
par groupes et l’on demande à chacun de décrire les autres
membres de son groupe (jugement se faisant sur 2 critères : subjectif
(générosité, gentillesse…) ; objectif
(physique, comportement actif ou calme…)
Puis on précise
à une première partie du groupe que : il y aura une compétition
entre les deux groupes sur une certaine tâche.
Puis
à une seconde partie que : il y aura une coopération
entre les deux groupes sur une certaine tâche.
Les
résultats sont surprenants ! En effet, les étudiants qui
s’attendent à une compétition avec l’autre groupe attribuent
des caractères plus positifs aux membres de leur propre groupe
que ceux qui s’attendent à une coopération ! L’hypothèse
de Doise se vérifie donc : notre
attitude dépend du rapport que l’on aura avec l’autre
(compétition vs coopération)
Expérience
II.
(niveau
I, II et IV d’analyse)
On
demande à des étudiants et à des étudiantes d’interpréter
une situation de coopération pour les uns, de compétition pour
les autres. De ces deux premiers groupes on en fait deux nouveaux :
le premier composé de 2 hommes qui auront a collaboré avec 2
femmes, le second d’un homme qui aura a collaboré avec une
femme (toujours une fois en collaboration et une fois en compétition).
Il
ressort des résultats qu’il y a une nette accentuation de la
catégorisation lorsqu’il y a deux hommes ; ceux-ci jugent
plus négativement les femmes avec qui ils auront à affronter. Il
y a donc un effet du groupe sur
l’individu ; c’est comme s’il devait y avoir
une « union sacrée » avec le groupe que l’on représente
contre le groupe que l’on aura à affronter. Notons tout de même
que ce phénomène très marqué chez les hommes ne se retrouve
pas chez les femmes (toujours selon notre expérience qui
confronte les deux sexes ; dans d’autres situations peut-être
cela changerait-il ?)
Autres
expériences.
Deschamps
étudie les catégorisations « croisées ».
En gros, les études de Deschamps nous montrent que l’effet de
catégorisation suscite des réactions plus violentes s’il se
passe seulement entre deux catégories ; s’il y en a
plusieurs qui s’entremêlent (ce sont les catégories « croisées »)
les réactions seront moins fortes. Un exemple : si on prend
des filles et des garçons et qu’on les répartit par groupe la
catégorisation ayant comme unique critère Garçon vs Fille, la
situation sera vite tendue. Si on attribue aux garçons et aux
filles des couleurs (disons verte et bleu) et que l’on « mélange »
les sexes, la polarisation précédente entre fille et garçon
n’a plus lieu.
L’apport
premier de ce type d’expériences est de montrer que les
effets de la polarisation étant moins grands grâce aux catégories
« croisées », la
discrimination le sera aussi. Doise nous dit que diverses
oppositions « fabriquent » une société moins fragile
que s’il n’y avait qu’une seule opposition (de
plus une fois l’opposition « résolue » par la
destruction de l’autre catégorie, ce type de société se
retournerait contre elle-même n’ayant plus « d’exutoire »).
Doise
étudie aussi les relations inter-groupes, la question est : Comment
les groupes se comportent-ils ? (c’est du niveau II
et III d’analyse). Une
expérience célèbre est celle de la « caverne
des voleurs » menée par Shériff.
Dans une colonie de vacances, Shériff crée deux groupes qui
doivent s’affronter dans divers jeux compétitifs. Très vite la
situation se dégrade, des bagarres éclatent, les camps sont sans
cesse en rivalité. Les coéquipiers sont toujours surévalués
alors que les adversaires sont sans cesse sous-estimés. Les
accompagnateurs de la colonie ne supportant plus cette situation
tendue, ils font appel à Shériff pour rétablir la situation. Shériff
introduit alors des jeux dans lesquelles les enfants doivent coopérer
pour atteindre des résultats ; la situation ne change pas…
Shériff
inventa alors un type d’activité avec un but supra-ordonnée
(c’est-à-dire qu’une collaboration est absolument nécessaire
pour parvenir à un résultat → par exemple on prétexte que
le camion apportant les vivres est tombé en panne ; tous les
enfants durent aller le décharger pour pouvoir manger. Ou encore
le projecteur de film qu’il fallu réparer tous ensemble pour
pouvoir assister à de nouvelles séances de cinéma… ). Ce fut
la solution au problème ! Les enfants oublièrent les
groupes précédemment formés et le climat de la colonie redevint
serein…
Ce
qui ressort de cette expérience c’est que si les buts de deux
groupes en compétition sont incompatibles il en résulte d’inévitables
conflits ; si un climat de compétition a été instauré, il
faudra plus qu’un simple but commun pour parvenir à effacer la
notion de groupe (ce qui n’est pas le cas si les deux
groupes ne furent pas précédemment en compétition) ; de
même si les groupes n’ont pas été en conflit avoir des buts
incompatibles ne provoquent pas de conflits…
Une
autre expérience est celle menée par Tajfel
qui demande à des étudiants (éternels cobayes…) de choisir
entre les deux peintres contemporains Klee et Kandinsky ; ils
remplissent un questionnaire et pour les remercier de leurs
efforts on leur propose, à la fin de l’expérience, de choisir
dans un tableau leur taux de récompense (qui s’accompagne
–chiffre du haut- avec ce que touchera le groupe admirant
l’autre peinte -chiffre du bas-).
Klee
1 5
11
19
25
Kandinsky
3
6
7
20
26
Le
résultat est surprenant : Les étudiants
maximisent leur récompense mais tout en prenant garde à ce que
les autres ne touchent pas trop ! Ils sont donc à la
recherche d’un intérêt symbolique tout autant que d’un intérêt
matériel…
D.Bramel
pose une question intéressante :
Comment
se développe la représentation d’autrui quand on lui fait du
tort ?
Bramel étudie
l’hypothèse selon laquelle les groupes faibles attirent
l’exploitation ; elle reprend une hypothèse de Lerner
selon laquelle les gens pensent être « dans
un monde juste » et que donc celui
qui souffre « mérite » de souffrir ;
l’individu se dirait que finalement s’il s’en sort bien
c’est grâce à ses compétences, et que ceux qui ne s’en
sortent pas n’ont pas ces compétences, cela semble « logique »…ainsi
le monde est juste ! Bramel opère alors la contre-hypothèse : nous avons tendance à mépriser les
victimes car justement elles sont des victimes !
Bramel étudie comment les gens réagissent lorsqu’ils rendent
autrui victime. Voici comment elle s’y prend :
Elle
demande à des étudiants de faire l’analyse de quelqu’un dont
ils n’entendent que la voix. En fait, c’est parce que la voix
est enregistrée et que c’est toujours la même qui est passée
aux étudiants. L’étudiant doit donc faire un feed-back sur la
personnalité de la « voix ». La description est
toujours positive, la chercheuse propose donc aux étudiants de
l’aider un peu en rendant un feed-back négatif…90%
accepteront devant les insistances du maître de recherche et 10%
refuseront.
Ensuite
on présente 2 cas de figures :
-
les uns pourront rencontrer la
« voix » par la suite.
-
les autres pourront quitter la pièce
après avoir rendu à la
« voix »
sont feed-back négatif (il faut bien comprendre
que la « voix » n’est toujours pas vu).
C’est
là que c’est intéressant : ceux qui
vont pouvoir rencontrer la voix restent corrects dans leur évaluation
négative, mais ceux qui peuvent partir tout de suite ne se gênent
pas pour accabler la « voix » des pires choses ;
ces derniers n’auront pourtant pas la possibilité de rencontrer
celui qu’ils évaluent et de lui expliquer qu’il ne
s’agissait que d’une partie du test et que ce n’est pas leur
vrai avis…Cette expérience montre que
l’on blesse sans problème lorsque l’on se dit que de toute façon
la personne est une victime (on ne pourra pas la
rencontrer et lui expliquer la situation) ; donc ce n’est
pas un problème de déprécier quelqu’un qui est de toute façon
victime (évidemment tout ce raisonnement est inconscient…du
moins on le souhaite).